vendredi 27 novembre 2015

La reconstruction de Saint-Nazaire


Une ville fantôme

Les premières personnes qui pénètrent dans les ruines de St-Nazaire le 11 mai 1945 font toutes le même constat : la ville est presque entièrement rasée. La plupart des bâtiments communaux principaux sont détruits (hôtel de ville, musée, hôpital, bains douches, caserne des pompiers, dispensaire, commissariat de police, salle des fêtes, bourse du travail, église St Gohard, etc. Il faut ajouter à cette liste la sous-préfecture, l'hôtel des postes, la chambre de commerce, la caisse d'épargne, la caserne des douanes, le bureau des ponts et chaussées. La gare, le palais de justice, l'abattoir, la prison, le parc des sports, le vélodrome sont gravement endommagés. Seuls la caserne, la prison, l'usine du service d'eau, le marché, le foyer de Penhoët sont épargnés. La plupart des écoles, le collège sont détruits, hormis les écoles de Méan, Penhoët, le groupe scolaire de Plaisance et l'école du petit caporal.

 
L'ancien hôpital était situé en face de l'entrée de l'actuelle école maternelle Jean Jaurès.


L'ancien palais de justice ne fut pas restauré mais entièrement rasé avant d'être reconstruit.


50% des maisons sont détruites, les autres irréparables pour la plupart et seules 15% pourront être remises en état. Sur 8000 maisons recensées avant guerre, seules une centaine sont intactes. Quant à la population civile, elle a payé un lourd tribut au cours des différents bombardements : 479 morts et 576 blessés entre 1940 et 1943. La ville est d 'ailleurs évacuée de février 43 jusqu'à la fin du conflit. Le port a subi beaucoup de dommages, mais le gros œuvre est peu endommagé et on peut espérer une remise en état rapide des installations (le premier "liberty ship " entrera dans le port le 15 août 1945) Les chantiers navals et aéronautiques sont presque entièrement détruits, leur remise en état occupera très rapidement de nombreux ouvriers "réfugiés " dans les communes avoisinantes et se déplaçant chaque jour (la ville est encore, pour raisons de sécurité, interdite à la population). Les problèmes colossaux de la reconstruction de la ville s'articuleront autour de 3 axes majeurs :
- Mettre en route les travaux de déblaiement ;
- Permettre la remise en route des chantiers ;
- Permettre la réouverture et le fonctionnement du port.


 
Une vision d'apocalypse...


L'administration municipale se réunit dès le 9 juin dans les ruines de l'ancien hôtel de ville, et s'attelle à regrouper les services municipaux, dispersés durant le conflit, dans la ville où dans des lieux proches (Pornichet).
Une annexe municipale est installée dans la partie encore debout de l'ancienne école Jean Jaurès.


François Blancho ouvre la séance du premier conseil municipal d'après la libération,
devant les ruines de l'hôtel de ville de Saint Nazaire, mai 1945

Déminage, déblayage
Avant d'envisager le déblaiement de la ville, le déminage s'impose (300 000 mines ont été posées dans le département).
Puis, les opérations de déblaiement commencent. Elles vont durer un an et seront officiellement terminées en juin 1946, employant en novembre 1945 plus de 4600 personnes. Les déblais sont transportés au grand marais, l'actuel parc paysager. Le déblaiement donnera lieu à plusieurs scandales, dont une énorme fraude en matière de cubage transporté, avec des pointages multiples ce qui fait qu'un tombereau de déblais tiré par un cheval pouvait atteindre la vitesse de 72km/h par exemple et qu'un ouvrier pouvait déblayer 40m3 par jour !
Mesures provisoires
La reconstruction proprement dite peut alors commencer, mais avant de reconstruire en "dur", il faut accueillir de nouveau dans la ville tous les citadins disséminés aux alentours. On construit donc dès 1946 une ville provisoire, en baraquements, avec ses habitations, ses commerces et ses services publics (ce provisoire durera malheureusement longtemps, les dernières cités disparaissant au début des années 70). On comptera en 1954 jusqu'à 2100 logements provisoires.



 A gauche : bungalows à l'emplacement actuel du Centre Commercial Ruban Bleu, 1947.
A droite : la place Carnot (actuelle Place des Quat'z'horloges) en 1950.


Le plan de reconstruction

Le plan de reconstruction lui-même, imaginé dès 1943 par l'architecte Lemaresquier, est approuvé début 1948 par le conseil municipal. Il prévoit le déplacement de l'ancien axe commercial de la ville (la rue Henri Gautier) d'environ 500 m vers le nord Ouest (ce sera la future avenue de la République), afin de donner au port un "ballon d'oxygène " qui contribuera à son développement (c'est ce qu'on espère en 1945). La gare doit être déplacée, on parle également d'un port de pêche à l'emplacement du petit Maroc, ainsi que de la disparition du quartier de penhoët pour l'extension du port et des bassins. La ville prend donc le parti, avec l'assentiment de tous les élus, de "tourner le dos" à son port. Finalement, cette vaste zone entre ville et port ne sera reconquise que bien des années plus tard : c'est le projet ville port.


Un article de journal communique le plan de construction des nouvelles écoles à Saint-Nazaire. Les chiffres d'effectifs énormes donnent une idée du nombre d'enfants à scolariser dans une ville en ruines en plein baby-boom : une gageure pour la municipalité.


Le parti pris architectural est résolument moderne : de vastes artères se croisant à angle droit, des constructions d'immeubles d'avant garde. Petit à petit, au fur et à mesure que le remembrement progresse, îlot par îlot, la ville se reconstruit. Seuls, quelques immeubles et édifices anciens sont conservés. Il faut également remettre en état l'ensemble de la voirie, le réseau d'égouts, celui d'adduction d'eau, le réseau électrique et celui de l'éclairage public qui ont tous énormément souffert.
Quant à la base sous-marine, bien que plusieurs projets la concernant soient élaborés (dont celui d'une gare maritime), elle gardera en définitive l'aspect que nous lui avons connu jusqu'à la fin du XXème siècle et le projet ville-port.
Un fantastique terrain de jeu

Les immeubles réparables étant très rapidement remis en état, on commence dès 1947 la reconstruction de logements neufs, avec les difficultés qui ne manquent pas d'apparaître, en particulier la pénurie de matières premières, ciment, parpaings, etc… Pendant quelques années, St Nazaire offrira l'image d'un vaste chantier, avec des rues à peine tracées, semées d'embûches telles que de profondes ornières, la boue et les flaques d'eau rendant périlleux les déplacements à pied ou à bicyclette (les moyens de locomotion les plus utilisés).
Entre les immeubles en construction, de vastes espaces entièrement arasés créent une atmosphère très particulière dans cette ville. Mais les enfants profitent au maximum des merveilleux terrains d'aventure que constituent les ruines où la végétation reprend le dessus puis plus tard les maisons en chantier. Heureuse époque !



Une tâche colossale

Entre 1950 et 1960, la ville prend petit à petit son aspect moderne, tel que nous le connaissons de nos jours. Plusieurs coopératives de reconstruction aident particuliers, commerçants et entreprises à reconstruire leurs biens immobiliers détruits. Les grandes artères telles que l'avenue de la République et la rue Albert de Mun prennent rapidement leur aspect quasi définitif, et les commerçants regroupés dans le centre commercial provisoire Marceau peuvent s'installer dans de nouveaux locaux modernes. Les bâtiments publics qui n'ont pu être sauvegardés sortent de terre : l'inscription maritime, les bains douches, la caisse d'épargne, la salle de la mutualité (1953), les PTT et la chambre de commerce (1955), le palais de justice, les abattoirs, les nouvelles galeries, l'immeuble EDF, ainsi que l'hôtel de ville dont la fin des travaux est symboliquement au 28 février 1960, soit 17 ans après le terrible bombardement incendiaire qui détruisit 50% de la ville.

Viendra ensuite la création du parc paysager à l'emplacement du grand marais (la soucoupe sera terminée en 1965). Quant à la nouvelle gare, après de nombreuses tergiversations sur son futur emplacement, elle est inaugurée en 1955. De nombreuses maisons particulières ainsi que des immeubles collectifs voient le jour, le plus impressionnant d'entre eux étant le building, près du port, érigé en 1953
Les écoles

La plupart des écoles (à l'exception de Méan et de Penhoët) ont été détruites durant le conflit, aussi là encore la tâche est immense. Des bâtiments provisoires accueillent les jeunes élèves au Plessis (sous les gradins du vélodrome), à côté de l'ancienne école Jean Jaurès, ainsi qu'à Sautron, Kerlédé, Herbins, tout près des cités provisoires. Dès 1950, la première tranche de l'école Jules Ferry, construite avant guerre, et qui n'avait que peu souffert est réouverte.
Suivront en 1951 Jean Jaurès primaire, en 1953, Jean Jaurès maternelle ainsi que Gambetta, en 1955, Carnot. Les écoles Lamartine, Jules Ferry Victor Hugo et Michelet (Kerlédé ) ouvriront en 1958, Pierre et Marie Curie, Waldeck Rousseau en 1959. Ferdinand Buisson ouvrira en 1960, Léon Blum en 1961.

L'école Jean Jaurès, un nouveau bâtiment révolutionnaire au début des années 50.


Les collèges Aristide Briand et Manon Roland ont été détruits complètement durant les bombardements. D'abord repliés à la Baule, on les regroupe dans des baraquements situés rue Jean Macé (près de l'école Pasteur) et rue de Pressencé. La reconstruction de la cité scolaire, regroupant tout l'enseignement secondaire et technique est projetée dès 1948. Les tranches successives voient le jour à partir de 1954 (ateliers du collège technique), 1957 (le collège technique ) et 1959 (le collège lui-même). En ce qui concerne les écoles privées, la première reconstruite sera notre Dame de l'espérance (première pierre en janvier 1951), puis l'école Sainte Anne et l'école Sainte Thérèse (1958) Le collège Saint Louis, partiellement détruit, est rouvert en 1953. L'hôpital, qui était situé juste en face de l'actuelle maternelle Jean Jaurès, a été complètement rasé, est replié à Saint-Gildas-des-Bois. En 1946, l'hôpital provisoire s'installe dans des baraquements à Heinlex, ainsi qu'à Gavy. Le centre hospitalier sera inauguré le 18 février 1960.

Deux ans après Jean Jaurès, l'école Gambetta sort de terre.

Conclusion

A la fin des années 50, la plupart des bâtiments publics sont reconstruits ou en cours de reconstruction. Les réseaux d'adduction et de distribution d'eau ainsi que les égouts ont été améliorés, la voirie est quasiment terminée avec 40 km de voies nouvelles. Un gros effort a été fait dans le domaine de l'éclairage public. Saint-Nazaire est quasiment, pour sa partie du centre ville telle que nous la connaissons aujourd'hui.
 
 
Cet article est issu du "CD ROM du cinquantenaire", réalisé en 2001-2002 par les élèves et les professeurs de l'école, et coordonné en particulier par :
- Jean-Claude Lebeau, maître formateur
- Christine Hauray, conseillère pédagogique
- Michel Mahé, directeur de l'école Jean Jaurès 1



 

2 commentaires:

  1. Votre article ne dit pas clairement qui a reconstruit la ville. Qui ont été les bâtisseurs, les ouvriers de chantiers, les maçons, les grutiers, etc. Qui étaient-ils? D'où venaient-ils?

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  2. est il possible d'acheter ce cd ???
    arrivée en 1962 pour ne plus en repartir, je voudrais connaitre en détails l'histoire de ma ville
    ma mère raconte encore le sentiment de tristesse ressenti - les gens, les rues - elle dit que tout était gris
    merci

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