Une ville fantôme
Les premières personnes qui pénètrent dans les ruines de St-Nazaire le 11 mai
1945 font toutes le même constat : la ville est presque entièrement rasée. La
plupart des bâtiments communaux principaux sont détruits (hôtel de ville,
musée, hôpital, bains douches, caserne des pompiers, dispensaire, commissariat
de police, salle des fêtes, bourse du travail, église St Gohard, etc. Il faut
ajouter à cette liste la sous-préfecture, l'hôtel des postes, la chambre de
commerce, la caisse d'épargne, la caserne des douanes, le bureau des ponts et
chaussées. La gare, le palais de justice, l'abattoir, la prison, le parc des
sports, le vélodrome sont gravement endommagés. Seuls la caserne, la prison,
l'usine du service d'eau, le marché, le foyer de Penhoët sont épargnés. La
plupart des écoles, le collège sont détruits, hormis les écoles de Méan,
Penhoët, le groupe scolaire de Plaisance et l'école du petit caporal.
L'ancien hôpital était situé en face de l'entrée de l'actuelle
école maternelle Jean Jaurès.
L'ancien palais de justice ne fut pas restauré mais entièrement rasé avant d'être reconstruit.
50% des maisons sont détruites,
les autres irréparables pour la plupart et seules 15% pourront être remises en
état. Sur 8000 maisons recensées avant guerre, seules une centaine sont
intactes. Quant à la population civile, elle a payé un lourd tribut au cours
des différents bombardements : 479 morts et 576 blessés entre 1940 et 1943. La
ville est d 'ailleurs évacuée de février 43 jusqu'à la fin du conflit. Le port
a subi beaucoup de dommages, mais le gros œuvre est peu endommagé et on peut
espérer une remise en état rapide des installations (le premier "liberty
ship " entrera dans le port le 15 août 1945) Les chantiers navals et
aéronautiques sont presque entièrement détruits, leur remise en état occupera
très rapidement de nombreux ouvriers "réfugiés " dans les communes
avoisinantes et se déplaçant chaque jour (la ville est encore, pour raisons de
sécurité, interdite à la population). Les problèmes colossaux de la
reconstruction de la ville s'articuleront autour de 3 axes majeurs :
- Mettre en route les travaux de déblaiement ;
- Permettre la remise en route des chantiers ;
- Permettre la réouverture et le fonctionnement du port.
Une vision
d'apocalypse...
L'administration municipale se
réunit dès le 9 juin dans les ruines de l'ancien hôtel de ville, et s'attelle à
regrouper les services municipaux, dispersés durant le conflit, dans la ville
où dans des lieux proches (Pornichet).
Une annexe municipale est installée dans la partie encore debout de l'ancienne
école Jean Jaurès.
François
Blancho ouvre la séance du premier conseil municipal d'après la libération,
devant les ruines de l'hôtel de ville de Saint Nazaire, mai 1945
Déminage, déblayage
Avant d'envisager le déblaiement de la ville, le déminage s'impose (300 000
mines ont été posées dans le département).
Puis, les opérations de déblaiement commencent. Elles vont durer un an et
seront officiellement terminées en juin 1946, employant en novembre 1945 plus
de 4600 personnes. Les déblais sont transportés au grand marais, l'actuel parc
paysager. Le déblaiement donnera lieu à plusieurs scandales, dont une énorme
fraude en matière de cubage transporté, avec des pointages multiples ce qui
fait qu'un tombereau de déblais tiré par un cheval pouvait atteindre la vitesse
de 72km/h par exemple et qu'un ouvrier pouvait déblayer 40m3 par jour !
Mesures provisoires
La reconstruction proprement dite peut alors commencer, mais avant de
reconstruire en "dur", il faut accueillir de nouveau dans la ville
tous les citadins disséminés aux alentours. On construit donc dès 1946 une
ville provisoire, en baraquements, avec ses habitations, ses commerces et ses
services publics (ce provisoire durera malheureusement longtemps, les dernières
cités disparaissant au début des années 70). On comptera en 1954 jusqu'à 2100
logements provisoires.
A gauche : bungalows à l'emplacement actuel
du Centre Commercial Ruban Bleu, 1947.
A droite : la place Carnot (actuelle Place des Quat'z'horloges) en 1950.
Le plan de reconstruction
Le plan de reconstruction lui-même, imaginé dès 1943 par l'architecte Lemaresquier,
est approuvé début 1948 par le conseil municipal. Il prévoit le déplacement de
l'ancien axe commercial de la ville (la rue Henri Gautier) d'environ 500 m vers le nord Ouest (ce
sera la future avenue de la République), afin de donner au port un "ballon
d'oxygène " qui contribuera à son développement (c'est ce qu'on espère en
1945). La gare doit être déplacée, on parle également d'un port de pêche à
l'emplacement du petit Maroc, ainsi que de la disparition du quartier de
penhoët pour l'extension du port et des bassins. La ville prend donc le parti,
avec l'assentiment de tous les élus, de "tourner le dos" à son port.
Finalement, cette vaste zone entre ville et port ne sera reconquise que bien
des années plus tard : c'est le projet ville port.
Un article de
journal communique le plan de construction des nouvelles écoles à
Saint-Nazaire. Les chiffres d'effectifs énormes donnent une idée du nombre
d'enfants à scolariser dans une ville en ruines en plein baby-boom : une
gageure pour la municipalité.
Le parti
pris architectural est résolument moderne : de vastes artères se croisant à
angle droit, des constructions d'immeubles d'avant garde. Petit à petit, au fur
et à mesure que le remembrement progresse, îlot par îlot, la ville se
reconstruit. Seuls, quelques immeubles et édifices anciens sont conservés. Il
faut également remettre en état l'ensemble de la voirie, le réseau d'égouts,
celui d'adduction d'eau, le réseau électrique et celui de l'éclairage public
qui ont tous énormément souffert.
Quant à la base sous-marine, bien que plusieurs projets la concernant soient
élaborés (dont celui d'une gare maritime), elle gardera en définitive l'aspect
que nous lui avons connu jusqu'à la fin du XXème siècle et le projet
ville-port.
Un fantastique terrain de jeu
Les immeubles réparables étant très rapidement remis en état, on commence dès
1947 la reconstruction de logements neufs, avec les difficultés qui ne manquent
pas d'apparaître, en particulier la pénurie de matières premières, ciment,
parpaings, etc… Pendant quelques années, St Nazaire offrira l'image d'un vaste
chantier, avec des rues à peine tracées, semées d'embûches telles que de
profondes ornières, la boue et les flaques d'eau rendant périlleux les
déplacements à pied ou à bicyclette (les moyens de locomotion les plus
utilisés).
Entre les immeubles en construction, de vastes espaces entièrement arasés
créent une atmosphère très particulière dans cette ville. Mais les enfants
profitent au maximum des merveilleux terrains d'aventure que constituent les
ruines où la végétation reprend le dessus puis plus tard les maisons en chantier.
Heureuse époque !
Une tâche colossale
Entre 1950 et 1960, la ville prend petit à petit son aspect moderne, tel que
nous le connaissons de nos jours. Plusieurs coopératives de reconstruction
aident particuliers, commerçants et entreprises à reconstruire leurs biens
immobiliers détruits. Les grandes artères telles que l'avenue de la République
et la rue Albert de Mun prennent rapidement leur aspect quasi définitif, et les
commerçants regroupés dans le centre commercial provisoire Marceau peuvent
s'installer dans de nouveaux locaux modernes. Les bâtiments publics qui n'ont
pu être sauvegardés sortent de terre : l'inscription maritime, les bains
douches, la caisse d'épargne, la salle de la mutualité (1953), les PTT et la
chambre de commerce (1955), le palais de justice, les abattoirs, les nouvelles
galeries, l'immeuble EDF, ainsi que l'hôtel de ville dont la fin des travaux
est symboliquement au 28 février 1960, soit 17 ans après le terrible
bombardement incendiaire qui détruisit 50% de la ville.
Viendra ensuite la création du parc paysager à l'emplacement du grand marais
(la soucoupe sera terminée en 1965). Quant à la nouvelle gare, après de
nombreuses tergiversations sur son futur emplacement, elle est inaugurée en
1955. De nombreuses maisons particulières ainsi que des immeubles collectifs
voient le jour, le plus impressionnant d'entre eux étant le building, près du
port, érigé en 1953
Les écoles
La plupart des écoles (à l'exception de Méan et de Penhoët) ont été détruites
durant le conflit, aussi là encore la tâche est immense. Des bâtiments
provisoires accueillent les jeunes élèves au Plessis (sous les gradins du
vélodrome), à côté de l'ancienne école Jean Jaurès, ainsi qu'à Sautron,
Kerlédé, Herbins, tout près des cités provisoires. Dès 1950, la première
tranche de l'école Jules Ferry, construite avant guerre, et qui n'avait que peu
souffert est réouverte.
Suivront en 1951 Jean Jaurès primaire, en 1953, Jean Jaurès maternelle ainsi
que Gambetta, en 1955, Carnot. Les écoles Lamartine, Jules Ferry Victor Hugo et
Michelet (Kerlédé ) ouvriront en 1958, Pierre et Marie Curie, Waldeck Rousseau
en 1959. Ferdinand Buisson ouvrira en 1960, Léon Blum en 1961.
L'école Jean
Jaurès, un nouveau bâtiment révolutionnaire au début des années 50.
Les collèges Aristide Briand et
Manon Roland ont été détruits complètement durant les bombardements. D'abord
repliés à la Baule, on les regroupe dans des baraquements situés rue Jean Macé
(près de l'école Pasteur) et rue de Pressencé. La reconstruction de la cité
scolaire, regroupant tout l'enseignement secondaire et technique est projetée
dès 1948. Les tranches successives voient le jour à partir de 1954 (ateliers du
collège technique), 1957 (le collège technique ) et 1959 (le collège lui-même).
En ce qui concerne les écoles privées, la première reconstruite sera notre Dame
de l'espérance (première pierre en janvier 1951), puis l'école Sainte Anne et
l'école Sainte Thérèse (1958) Le collège Saint Louis, partiellement détruit,
est rouvert en 1953. L'hôpital,
qui était situé juste en face de l'actuelle maternelle Jean Jaurès, a été
complètement rasé, est replié à Saint-Gildas-des-Bois. En 1946, l'hôpital provisoire
s'installe dans des baraquements à Heinlex, ainsi qu'à Gavy. Le centre
hospitalier sera inauguré le 18 février 1960.
Deux ans après Jean Jaurès, l'école Gambetta sort de terre.
Conclusion
A la fin des années
50, la plupart des bâtiments publics sont reconstruits ou en cours de
reconstruction. Les réseaux d'adduction et de distribution d'eau ainsi que les
égouts ont été améliorés, la voirie est quasiment terminée avec 40 km de voies nouvelles. Un
gros effort a été fait dans le domaine de l'éclairage public. Saint-Nazaire est
quasiment, pour sa partie du centre ville telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Cet article est issu du "CD ROM du
cinquantenaire", réalisé en 2001-2002 par les élèves et les professeurs de
l'école, et coordonné en particulier par :
-
Jean-Claude Lebeau, maître formateur
- Christine
Hauray, conseillère pédagogique
-
Michel Mahé, directeur de l'école Jean Jaurès 1